« La sécurité privée n’est pas considérée à sa juste valeur dans notre pays »

Interview de Julien Rancoule, Député de l’Aude et Président du groupe d’étude sur la sécurité privée au sein de l’Assemblée nationale.

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La sécurité privée n’est pas considérée à sa juste valeur dans notre pays

Un groupe d’études sur la sécurité privée vient d’être créé à votre initiative à l’Assemblée nationale. Quelle est sa raison d’être ? 

Julien Rancoule : À titre personnel, j’ai travaillé pendant huit ans dans le secteur de la sécurité privée, dans différentes entreprises. Je connais les enjeux du secteur et les défis qui se présentent à lui. Ayant été un temps représentant syndical dans une entreprise, j’avais essayé, à mon modeste niveau, de faire évoluer la branche. Mais à mon sens, les choses n’avancent pas assez vite. 

Comment ce groupe d’études a-t-il été constitué ? 

J. R. : Il est composé de 26 députés représentant tous les bords politiques. Nous nous sommes réunis pour la première fois le 8 mars dernier et nous allons travailler ensemble sur toute la durée de notre mandat d’élus. La sécurité privée fait partie des 80 thèmes retenus pour les groupes d’études de cette législature, c’est une grande première. Je note que sous la précédente Assemblée nationale, il y avait plus d’une centaine de groupes de ce type. Leur nombre a été réduit, de façon à permettre aux députés d’être plus assidus. C’est une bonne chose. 

Quels sont les principaux problèmes rencontrés par le secteur ? 

J. R. : La sécurité privée joue un rôle important dans notre société, sans que nous nous en rendions bien compte. Elle mérite d’être développée et mieux reconnue par les autorités comme par le grand public. C’est d’autant plus important que de gros enjeux approchent, avec l’accueil en France de la Coupe du monde de rugby, en septembre et octobre prochains, et des Jeux Olympiques et Paralympiques, à l’été 2024. 

Par quels biais comptez-vous agir sur ces thèmes ? 

J. R. : Le champ d’action des groupes d’études de l’Assemblée nationale est large. Nous sommes un cercle de réflexion ayant vocation à alimenter le débat public, à intervenir lors des séances de questions au gouvernement, à élaborer des propositions de loi sur la sécurité privée… Nous disposons là de nombreux leviers pour aborder les questions touchant à la sécurité humaine, la sécurité électronique, la sécurité incendie, les convoyeurs de fonds ou les agents de protection rapprochée

Quelle est votre feuille de route pour les prochains mois ? 

J. R. : Nous entamons un premier tour d’horizon avec la rencontre des syndicats patronaux et des syndicats de salariés de la branche. Ce sera ensuite au tour des autorités publiques, à commencer par le ministère de l’Intérieur. Cela va permettre de dégrossir les sujets, avant que nous puissions avancer des propositions concrètes. 

À ce stade, considérez-vous que la sécurité privée soit appréhendée à sa juste valeur ? 

J. R. : Pas du tout ! Il y a une méconnaissance générale du grand public et des élus à son propos. Dans les débats sur les JO de 2024, on sent clairement que les enjeux de la sécurité privée ne sont pas pris à leur vraie mesure par le gouvernement. On parle beaucoup des forces de l’ordre publiques mais la sécurité privée va jouer un rôle de plus en plus fort. Pour les JO, il est de l’intérêt général de faire appel à elle, afin que la police et la gendarmerie continuent de remplir leurs missions sur l’ensemble du territoire national. Il ne faudrait pas que la sécurité des JO soit assurée au détriment du reste. 

Selon vous, quelle est l’urgence ? 

J. R. : Malheureusement, on ne parle du continuum de sécurité que lorsque le sujet s’invite dans l’actualité. Ce fut le cas après les attentats de 2015 qui ont sonné l’alerte sur les limites de la sécurité publique. Depuis, force est de constater qu’on en parle beaucoup moins. L’urgence est de démocratiser la sécurité privée. Il faut que la population, les élus et le gouvernement fassent confiance à un secteur qui fournit de gros efforts pour se professionnaliser et améliorer son image. 

Sur quoi la profession peut-elle agir rapidement ? 

J. R. : De même qu’il a fallu dix ans à la police municipale pour trouver sa place, il va falloir du temps à la sécurité privée pour occuper l’espace qu’elle mérite. La profession doit montrer aux pouvoirs publics qu’elle peut assumer des missions à la hauteur de ses qualifications. Cela fonctionne très bien en Espagne et en Italie, il n’y a pas de raison que la France ne comble pas son retard. 

N’est-il pas trop tard pour les JO, qui auront lieu dans moins de 500 jours ? 

J. R. : Je regrette que le sujet n’ait pas été abordé plus tôt et qu’il manque aujourd’hui 20 000 agents de sécurité privée pour aborder l’échéance. C’est comme si nous n’avions pas tiré les leçons des erreurs de l’Euro de football 2016. À plus long terme, je préconise de créer des métiers repères, comme le chef d’équipe en sûreté. C’est une revendication ancienne des agents de sécurité qui permettrait de valoriser facilement le métier.