« Le CNAPS sera le garant du nouveau partenariat entre la sécurité publique et la sécurité privée »

Entretien avec Cyrille Maillet, directeur du CNAPS.

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Cyrille Maillet

Pouvez-vous nous rappeler quand a été créé le CNAPS et quel est son rôle ?

Cyrille Maillet : Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Il a été créé par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 et le décret du 22 décembre 2011, afin de renforcer la régulation du secteur de la sécurité privée. Il a ouvert ses portes en 2012.

Son action quotidienne vise d’abord à faire respecter le cadre légal et réglementaire en vigueur, notamment le livre VI du Code de la sécurité intérieure (CSI) encadrant les activités privées de sécurité. Notre établissement s’assure que les agents de sécurité privée sont formés et bénéficient d’une réelle aptitude professionnelle pour exercer leurs fonctions. Le CNAPS s’appuie sur son expertise propre mais travaille aussi en partenariat avec l’autorité judiciaire et d’autres autorités administratives. Le contrôle du respect des dispositions du CSI permet d’assainir le marché de la sécurité privée, de renforcer la qualité des prestations et ainsi d’améliorer l’image, la fiabilité et l’attractivité d’une profession qui œuvre de manière croissante aux côtés des forces de sécurité intérieure.

Très concrètement, l’établissement exerce 3 missions :

  • une mission de police administrative : il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles des agents de sécurité, dirigeants et entreprises privées de sécurité ;
  • une mission disciplinaire : il assure le contrôle de la profession (entreprises et agents de sécurité) et veille au respect du code de déontologie qui s’applique à l’ensemble des activités privées de sécurité ;
  • une mission de conseil et d’assistance à la profession.

Quels sont, selon vous, les enjeux actuels du secteur de la sécurité privée et comment le CNAPS entend-il y répondre ?

C. M. : La proposition de loi relative à la sécurité globale actuellement examinée au Parlement va profondément modifier le secteur dans les mois qui viennent. Elle a la double ambition de mieux encadrer le secteur de la sécurité privée tout en le faisant monter en puissance. Les mesures qu’elle prévoit s’inscrivent dans le contexte sécuritaire que nous connaissons, marqué par le niveau élevé de la menace terroriste, mais aussi par les grands évènements à venir tels que la coupe du monde de Rugby organisée en France en 2023 ou la perspective des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Le secteur va donc se voir confier de nouvelles et importantes prérogatives de surveillance et de sécurisation telles que la palpation, la détection de drones ou la cyno-détection des explosifs. C’est une évolution d’ampleur qu’il reviendra au CNAPS d’accompagner.

À la fois conseiller et régulateur, le CNAPS interviendra d’abord en amont, grâce à des actions de conseil et de communication ciblées sur ces nouveaux enjeux, afin de diffuser largement les bonnes pratiques. Il veillera également au respect de la nouvelle réglementation via des contrôles intensifiés puisque la nouvelle loi renforcera le pouvoir de ses contrôleurs, notamment en leur permettant de constater, par procès-verbal, les infractions observées à l’occasion de leur contrôle, y compris celles liées au travail illégal. 

Parmi les enjeux du secteur, on peut également citer celui de l’armement, puisque depuis le 1er janvier 2021, les entreprises qui disposent des autorisations requises et du personnel dument formé et autorisé, peuvent proposer des prestations de sécurité avec des agents armés. Le déploiement progressif des formations et de cette nouvelle activité est naturellement très étroitement encadré par le CNAPS.

Quel est votre rôle dans le continuum de sécurité, partenariat entre sécurité privée et publique ? Comment les deux parties peuvent-elles selon vous travailler ensemble ?

C. M. : En réalité, les deux secteurs travaillent déjà ensemble, à la fois sur le terrain au quotidien, notamment lors de manifestations culturelles ou sportives rassemblant du public, et lors de très grandes manifestations, telles que l’Euro 2016 qui a nécessité une grande coopération entre l’Etat et la sécurité privée.

Les évolutions législatives et réglementaires en cours reposent sur l’idée qu’au même titre que les forces de l’ordre et les polices municipales, la sécurité privée s’impose aujourd’hui comme un maillon essentiel de la sécurité des Français et le sera encore plus à l’avenir. Ce qui est recherché, c’est un enchaînement, une articulation entre ces forces publiques et la sécurité privée, chacune dans ses prérogatives, et des espaces de plus en plus partagés.

Les conditions d'un partenariat accru entre la sécurité privée, l'État et les polices municipales ne passeront toutefois que par la consolidation de la confiance envers les dirigeants et les salariés du secteur. Pour renforcer cette confiance, il est nécessaire d’améliorer la qualité des recrutements et des parcours de carrière. Par sa mission de régulation, son haut niveau d’expertise et ses échanges avec le secteur professionnel, le CNAPS sera le garant de ce nouveau partenariat.

J’ajouterais que le CNAPS constitue déjà un rouage important du continuum sécurité dans la mesure où ses différentes instances décisionnaires comprennent des représentants de la police et de la gendarmerie nationales, des représentants des parquets ainsi que des membres du secteur de la sécurité privée.

Pouvez-vous identifier quelques défis actuels auxquels le CNAPS et dans un sens plus large la sécurité privée, doivent faire face : quelles sont les nouvelles menaces à l’heure actuelle ?

C. M. : Les défis du CNAPS et de la sécurité privée sont les mêmes que ceux que rencontrent aujourd’hui les forces de l’ordre et, plus largement, la société française : montée des radicalismes, terrorisme, fraude et violences urbaines, pour les principaux. C’est justement pour y faire face que le législateur a prévu les outils que nous venons d’évoquer, afin que les acteurs puissent œuvrer efficacement sur le terrain et que le CNAPS ait les moyens de garantir le professionnalisme d’un secteur en plein essor, le tout dans une démarche gagnante pour la sécurité de nos concitoyens et pour tous les acteurs de la sécurité privée.