« Les technologies de sécurité, une opportunité pour notre souveraineté industrielle. »

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Le numérique est aujourd’hui présent dans notre vie quotidienne, avec les avantages et les dangers que l’on connaît. S’agissant des technologies de sécurité, le Premier ministre a demandé au député Jean-Michel Mis de faire des propositions pour éviter toute dérive. Le parlementaire a rendu en septembre dernier son rapport, intitulé : « Pour un usage responsable et acceptable par la société des technologies de sécurité ».

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Technologies de sécurité

Quelle idée maîtresse a guidé vos travaux sur les technologies de sécurité ?

Jean-Michel Mis : L’objectif était de trouver un point d’équilibre entre les besoins des forces de sécurité intérieure, la préservation des libertés individuelles et les attentes de la filière industrielle de sécurité. À court terme, il faut veiller à la sécurisation des grands événements sportifs que la France va accueillir : la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques en 2024. À plus long terme, il s’agit de répondre aux besoins structurels des forces de sécurité, par exemple en matière de captation d’images.

Qu’est-ce que la société est en mesure d’accepter ?

J.-M. M. : Si les Français sont attachés à leurs droits et libertés, ils ne sont pas nécessairement opposés à l’utilisation des technologies de sécurité. Selon un sondage Odoxa publié en mai 2021, 62% des personnes interrogées approuvent le recours à la reconnaissance faciale afin d’améliorer l’expérience utilisateur, et 58% à des fins d’authentification. L’acceptabilité des technologies est avant tout une question d’usages, c’est-à-dire de finalités pour lesquelles elles sont utilisées. Cette acceptabilité est plus faible pour les usages régaliens, d’où la défiance croissante d’une partie de la population vis-à-vis des forces de sécurité. Je préconise de renforcer le lien police-population, en créant une relation de confiance avec les Français autour de ces technologies.

Comment les nouvelles technologies peuvent-elles améliorer le travail des forces de sécurité ?

J.-M. M. : Elles permettent d’identifier les situations de danger, en procédant par exemple à la détection automatisée d’anomalies dans l’espace public, ou en recourant aux scanners corporels, pour contrôler l’accès aux sites qui accueillent du public. Elles permettent aussi de suivre les personnes qui représentent une menace. C’est le cas de l’authentification et de l’identification biométrique en temps réel dans l’espace public. Enfin, elles modernisent l’équipement de projection et de mobilité des forces, avec l’utilisation de caméras aéroportées et de caméras embarquées, pour faire de la captation d’images.

Que peut-on faire dans l’immédiat ?

J.-M. M. : Je recommande de procéder à une série d’expérimentations, afin de préparer la sécurisation des événements sportifs de 2023 et 2024. Par ailleurs, je préconise le recours aux technologies, quand elles répondent aux besoins structurels des forces de sécurité intérieure : captation automatique de données librement accessibles en sources ouvertes, constitution de jeux de données réelles pour la recherche et l’innovation en matière d’intelligence artificielle, clarification des règles relatives à la captation d’images par caméras embarquées et aéroportées.

Quels sont les enjeux en matière de libertés ?

J.-M. M. : Les nouvelles technologies de sécurité posent des enjeux fondamentaux pour la vie privée. Les principales craintes portent sur le traitement des données personnelles et notamment des données sensibles, comme les données biométriques. L’intelligence artificielle est également source de critiques, dans la mesure où elle permet de traiter massivement des données, dans une relative opacité. Il y a donc des enjeux liés également à la liberté de réunion et à la liberté d’expression.

Comment donner des garanties aux Français ?

J.-M. M. : Plusieurs garanties peuvent être mises en place. Premièrement, des principes devraient venir guider l’action des forces de sécurité : la maturité de l’offre technologique, le choix de solutions souveraines, la protection des données personnelles. Deuxièmement, la société civile pourrait être davantage mobilisée sur les enjeux relatifs aux technologies de sécurité. Il faut impliquer les Français afin de faciliter l’appropriation des nouvelles technologies, et de pouvoir décider collectivement des usages qu’ils souhaitent. Troisièmement, les moyens d’évaluation et de contrôle devraient être renforcés.

Quel rôle spécifique le secteur privé de la sécurité peut-il jouer ?

J.-M. M. : Son rôle est déterminant. En France, nous avons la chance de posséder une filière industrielle particulièrement dynamique, qui connaît un taux de croissance annuel de 5% à 6%. L’offre répond aux besoins des entités publiques, des entreprises et des particuliers en France, mais aussi à l’étranger, puisqu’elle réalise près de 13 milliards d’euros de chiffres d’affaires à l’international. C’est une opportunité pour notre souveraineté industrielle et technologique, et c’est la raison pour laquelle je recommande de favoriser le développement international des entreprises françaises.

Avec quels moyens ?

J.-M. M. : Il faut encourager le déploiement des technologies françaises en permettant aux entreprises de mener des expérimentations en situation réelle, mais aussi en mobilisant l’investissement et la commande publics. Le secteur des industries de sécurité devrait être davantage intégré à la politique d’investissements stratégique de l’État. Je salue les efforts qui ont été faits pour structurer la filière des industries de sécurité intérieure. Dans les prochaines années, nous devrons intensifier la coopération public-privé.