Un employeur a-t-il le droit de surveiller ses collaborateurs ?

Pour veiller à la sécurité des personnes et des biens, un employeur peut exercer une surveillance au sein de son entreprise. Le point sur ce que dit la loi sur le sujet.  

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Un employeur a-t-il le droit de surveiller ses collaborateurs

Surveillance autorisée mais respect des principes fondamentaux

Un employeur a le droit de surveiller ses salariés (Cass, ch.soc., 4 juill. 2012, n°11-30.266), mais des principes fondamentaux sont à respecter dans ce cas.

Parmi ceux-ci, le respect de la vie privée énoncé par le Code civil dans son article 9 : « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cela signifie que l’employeur ne doit pas s’immiscer dans la vie personnelle de son salarié, en dehors de l’exécution des missions prévues par son contrat de travail. « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », stipule l’article L1121-1 du Code du travail.

La surveillance des salariés par leur employeur doit ainsi être justifiée par la tâche à accomplir précise Laurent Meillet, avocat à la cour de Paris :

« L’employeur pourra exercer une surveillance sur ses employés, dans un magasin pour éviter le vol par exemple ; en revanche, en vertu du respect de leur vie privée, cette surveillance ne peut se tenir dans des lieux comme les vestiaires ou les toilettes ».

La surveillance doit être proportionnée au but recherché.

Quels procédés de surveillance ?

La vidéosurveillance peut être utilisée si elle est justifiée et proportionnée. Les images récoltées devront être visionnées par l’employeur et une personne habilitée, sensibilisée notamment au respect de la vie privée et au traitement des données personnelles. « Ces images devront être conservées un minimum de temps, cela ne dépasse pas un mois, selon une durée fixée par l’employeur », précise Laurent Meillet. Il est important d’informer les salariés de ce type de surveillance, avant de collecter ces données. Cela peut notamment se faire via le délégué à la protection des données DPO*.

À noter que la CNIL a le projet de faire évoluer actuellement la législation sur les caméras « intelligentes » ou « augmentées » qui devraient connaitre une forte implantation dans les prochaines années.

La fouille du bureau est autorisée et l’employeur peut même y consulter des documents en l’absence de son salarié si besoin. Car les documents présents sur le lieu de travail sont présumés être professionnels. Mais si ces derniers sont identifiés comme revêtant un caractère personnel (enfermés dans un placard à clef par exemple) l’employeur ne pourra les lire sans la présence de son collaborateur et son accord (Cass, ch. soc., 4 juill. 2012, n°11-12330).

Même chose concernant le matériel informatique, si les fichiers consultés sont identifiés comme professionnels. L’historique de navigation peut être surveillé. Il en est de même pour la surveillance des mails professionnels, consultables par l’employeur s’ils sont à caractère professionnel. Un mail identifié comme personnel ne pourra en revanche être lu sans porter atteinte au respect de la vie privée et au secret des correspondances privées.

La fouille corporelle des salariés devra être justifiée (sécurité des salariés ou recherche d’objets volés) sous certaines conditions définies par la loi :

  • accord préalable du salarié,
  • l’avertir de son droit à s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin,
  • respecter lors de ce contrôle sa dignité et son intimité.

Le badge biométrique, selon le règlement type du 10 janvier 2019 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ne doit être utilisé que pour contrôler :

  • l’accès aux locaux identifiés comme devant faire l'objet d'une restriction de circulation ;
  • l’accès aux appareils et applications informatiques professionnels.

La géolocalisation sur les véhicules professionnels, destinée à localiser un salarié durant ses heures de travail, doit être justifiée par la nécessité de contrôler les frais de transport, le suivi du temps de travail ou de veiller à sa sécurité (il devra en être informé).

Le contrôle téléphonique enfin, doit être limité s’il s’agit de conversations privées. Le salarié veillera à ne pas passer trop de temps au téléphone pour raisons non-professionnelles. L’employeur ne pourra pas utiliser comme preuve l’enregistrement d’une conversation personnelle du salarié sans l’avoir mis au courant.

*DPO : Data Protection Officer