L’intelligence artificielle pour surveiller les commerces

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Si depuis des décennies les commerces utilisent les caméras de vidéosurveillance, l’arrivée de nouvelles solutions « intelligentes » change la donne et nécessite une adaptation législative.

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L’intelligence artificielle pour surveiller les commerces

Utilisés depuis plus de trente ans, les systèmes de vidéosurveillance cristallisent aujourd’hui tous les débats, avec en jeu la protection de notre image et par là-même ce qui s’apparente à des données personnelles.

Déployées dans les commerces, les caméras de surveillance sont destinées à garantir la protection des personnes et des biens, notamment en prévenant les vols.

Aujourd’hui, quasiment tous les sites de commerces en France sont vidéosurveillés. Cette pratique est codifiée par la loi de 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, initialement promulguée pour lutter contre le terrorisme et, par extension, pour protéger les clients des commerces et les marchandises qui s’y trouvent. Les conditions d’utilisation de ces caméras sont décrites dans l’article L.23-1 (et suivants) du Code de la sécurité intérieure. Les conditions de traitement de ces images enregistrées sont encadrées juridiquement : elles ne sont accessibles qu’aux responsables de la sécurité du magasin, les agents de sécurité ou la direction. Leur conservation ne peut excéder plus d’un mois et les images ne peuvent être utilisées pour surveiller les salariés du magasin.

Élargir l’usage de l’IA dans la vidéosurveillance des commerces

L’arrivée de l’Intelligence artificielle (IA) et des solutions technologiques qui en découlent permettent à présent de capter mais aussi d’analyser les images pour ouvrir un champ d’application bien plus vaste ; mais ces possibilités se heurtent parfois à leur acceptation par le grand public et les politiques.

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à Paris a donné une impulsion au débat sur l’utilisation de la vidéosurveillance dite « intelligente. » En vue de l’événement, la France a légiféré en mai 2023 et la loi relative aux Jeux Olympiques et paralympiques de 2024 autorise l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique et des « caméras augmentées » seront expérimentées dans l’espace public.

En France, les rares commerces ayant recours à l’IA dans leur système de vidéosurveillance doivent le signaler, avec des affichettes, à l’entrée du magasin. Le client peut alors faire jouer son droit d’opposition. Cela signifie qu’il a le droit, en présence de caméras contenant une couche d’IA, de demander au magasin de l’éteindre, au nom de sa liberté individuelle. Pour Franck Charton, délégué général de la Fédération Technique du Commerce PERIFEM, il s’agit là d’une situation « ubuesque », voire ridicule : « on donne avec ce droit d’opposition un droit de vol, car un individu mal intentionné ayant prévu de voler va évidemment demander de couper les caméras, souligne-t-il. C’est bien sûr un droit respectable de ne pas vouloir être filmé, mais cela reste difficile de le rendre compatible avec la sécurité au sein d’un commerce ».

— Lire aussi : Comment mieux protéger son commerce grâce à la vidéo ?

La France à la traîne ?

De nombreux pays tirent déjà avantage de l’IA, comme aux USA où tous les magasins sont équipés de caméras de surveillance dotées d’outils d’intelligence artificielle, ou en Grande-Bretagne où les caméras peuvent identifier si vous êtes mineurs ou pas, pour leur interdire la vente d’alcool.

La France reste l’un des seuls pays qui n’utilise pas l’IA à des fins de défense contre le vol. Une étude Opinion Way et Perifem « Les Français et la vidéosurveillance dans les commerces » de mars 2022 nous apprend que si plus de 8 Français sur 10 sont favorables à la vidéosurveillance dans les commerces, une majeure partie d’entre eux se considère mal informée sur les techniques de vidéosurveillance en magasins (68%) ou sur leurs droits en tant que citoyens (65%).

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est prudente sur le sujet, au nom de la protection des données personnelles, liée au Règlement général sur la protection des données (RGPD) européen. « Il est indispensable de faire évoluer les choses dans ce domaine, assure Franck Charton. En accord avec la CNIL, nous souhaitons qu’un champ juridique clair soit mis en place, au-delà des JOP. » Le droit à l’opposition ne s’appliquerait plus dans le cas précis des commerces. « Sur ce point la CNIL nous a rejoint. Les choses commencent à évoluer. Quelques autorisations sont données pour l’utilisation spécifique de l’IA comme, par exemple, pour le comptage des clients afin de respecter les jauges Covid à l’époque de la crise sanitaire ou encore, pour respecter les réglementations de la sécurité incendie. »

Lutter contre le vol, une nécessité économique

Utiliser la technologie à des fins de sécurité semble être du bon sens, car chacun a aussi droit à la protection, notamment quand il fait ses courses. La lutte contre le vol est également un enjeu national et une nécessité économique « Le vol représenterait chaque année 1 % du chiffre d’affaires des commerces, précise Franck Charton. Ces délits participent à l’inflation du pays et lutter contre signifie maintenir le pouvoir d’achat des Français. »

C’est dans cette optique que PERIFEM et la CNIL ont demandé au ministère de l’Intérieur de légiférer de manière globale sur l’usage de l’IA dans la vidéosurveillance des commerces. Sans réponse pour le moment, ces acteurs espèrent que l’évolution de la réglementation instiguée par les JOP feront évoluer les choses. Une clause de revoyure prévoit un bilan après l’événement. Affaire à suivre…

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