Entre le besoin de voyager et de sécurité

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Nul ne sait à quoi ressemblera le monde « d’après » après la pandémie de Covid-19, une fois que le coronavirus aura été dompté par l’humanité. Comment vivrons‑nous ? Et comment voyagerons‑nous ?

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Voyage

Le démarrage des campagnes de vaccination, sur tous les continents, laisse entrevoir un assouplissement des règles sanitaires qui s’imposent à notre quotidien. Mais quand la crise sanitaire sera finie, notre façon de nous déplacer sera-t-elle la même qu’avant ? Partirons‑nous en vacances avec les mêmes envies ?

Selon le site de réservations booking.com, le désir de voyage « reste intact » chez les Français, « en dépit des interdictions, des restrictions
et de l’incertitude générale ». Un sondage réalisé en ligne en juillet 2020 montre que pendant le confinement, 59 % des Français interrogés affirmaient « avoir hâte de pouvoir voyager à nouveau », et 65 % indiquaient « avoir désormais l’intention de profiter davantage des opportunités de voyager ».

Les voyageurs français déclaraient également que dans les douze mois suivant la levée des restrictions dans l’hexagone, ils comptaient réserver des séjours nationaux et internationaux « aussi fréquemment qu’au cours de l’année précédant la pandémie ». Prometteur !

Le proche devient l’exotisme

« La crise sanitaire que nous traversons va renforcer une tendance qui était déjà là et qui est une spécificité française : par tradition, nous prenons nos vacances très majoritairement dans notre propre pays. Ceux qui partent à l’étranger sont une minorité », fait observer le sociologue Rémy Oudghiri, directeur général de Sociovision, la division de l’Ifop spécialisée dans l’anticipation des changements de société. D’après cet expert, la pandémie « amplifie le goût pour un tourisme de proximité », dans un pays qui était jusqu’ici la première destination touristique de la planète depuis très longtemps, devant l’Espagne et les Etats‑Unis.

« La grande tendance de 2020 qui va se poursuivre cette année, c’est l’envie de nature et l’engouement pour les sites préservés, notamment à la montagne », précise-t-il. En ces temps chahutés et anxiogènes, le proche devient en somme l’exotisme. Pas de rupture fondamentale en vue, donc. Mais un phénomène de rattrapage n’est pas exclu. « Les jeunes ont toujours envie de découvrir le monde, en profitant des tarifs low cost du transport aérien et du phénomène Airbnb. Après un recentrage sur la France, le voyage va se rouvrir et le tourisme connaître une mutation liée, plus profondément, à la crise écologique », estime Rémy Oudghiri. Avec le réchauffement climatique, le monde s’oriente vers une notion plus responsable du voyage (moins de déplacements en avion, moins de séjours au ski…). Et plus sécurisée. Avec, à la clé, de nouvelles réglementations.

« Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, de nouvelles règles ont été mises en place en matière de sécurité et peu à peu, de nouvelles procédures de contrôle sont entrées dans les mœurs. Personne n’adore ça mais personne ne les remet en cause aujourd'hui », rappelle le sociologue.

Adapter les standards de sécurité aux nouvelles règles du jeu

Le sondage de booking.com, à cet égard, est sans ambiguïté. A l’avenir, 77 % des voyageurs français disent qu’ils prendront « plus de précautions pour se protéger du coronavirus, et attendront de l’industrie du voyage qu’elle les accompagne ». L’enjeu pour les gouvernements, les milieux associatifs et les acteurs du tourisme est de parvenir à établir collectivement des standards cohérents qui soient en mesure « d’assurer la sécurité des voyageurs et de regagner la confiance du public ».

Dispositifs de tests systématiques, certificats de vaccination…
Il y a fort à parier que les futures règles du jeu seront le seul moyen d’accélérer le retour à une mobilité normale de la population.

Un an à peine après le déferlement du coronavirus, nous sommes habitués aux totems de gel hydro-alcoolique connectés pour optimiser les tournées de remplissage, aux caméras thermiques capables de détecter les passagers ayant de la fièvre, aux bornes libre-service activable par la voix pour limiter les contacts humains ou tactiles…

Pour l’heure, 64 % des Français pensent qu’ils éviteront certaines destinations et 68 % seront particulièrement attentifs aux mesures de distanciation sociale. En outre, 64 % des sondés affirment qu’ils réserveront uniquement des hébergements ayant pris des mesures claires relatives à la santé et à l’hygiène, et 77 % privilégieront les logements disposant de produits désinfectants et antibactériens.

« Le voyage est un plaisir et le plaisir bridé, ça n’existe pas. Par conséquent, je ne crois pas au tourisme contrôlé, où tout le monde ferait attention à tout », tient à préciser Rémy Oudghiri. « Ce qui compte, c’est que les voyageurs soient rassurés. Les normes fonctionnent, dès lors que leur apprentissage étant assimilé, on ne les voit plus. »

Ainsi, dans le secteur du tourisme, la demande de sécurité s’annonce de plus en plus évidente, à condition que cette sécurité demeure invisible. Les professionnels devront bien plus qu’auparavant communiquer sur leurs règles de sécurité et d’hygiène. Car les besoins de protection et de sécurité face aux risques restent fondamentaux.