Fumigènes et sécurité dans les stades

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Après la publication du décret du 28 mars 2023 prolongeant l’expérimentation des fumigènes dans les stades, Xavier Pierrot, directeur général adjoint d’OL Groupe, en charge du stade de l’Olympique Lyonnais, analyse l’impact de ces dispositifs pyrotechniques sur la sécurité privée.

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Fumigènes et sécurité dans les stades

Que représente le stade de l’Olympique Lyonnais en termes de capacité ?

Xavier Pierrot : Le Groupama Stadium est une enceinte capable de recevoir un peu plus de 59 000 spectateurs. Il a été inauguré en janvier 2016 et il est entièrement privé. Nous y accueillons des matchs de foot mais aussi des séminaires d’entreprise et des concerts. Chaque année, ce sont 2 millions de visiteurs qui pénètrent à l’intérieur. Avec la nouvelle salle multifonctions LDLC Arena qui ouvrira à côté en fin d’année, nous visons 4 millions de visiteurs par an d’ici à 2025.

Quels sont les enjeux de sécurité sur le site ?

X. P. : Comme dans tous les stades, nous sommes exposés au risque de l’hooliganisme lié au monde du football, de même qu’au risque terroriste et à la délinquance classique que l’on rencontre sur n’importe quel site recevant un nombre important de personnes. Les enjeux sont importants car la capacité du stade représente le double de la population de Décines, la commune de l’agglomération lyonnaise où il est implanté.

De quels moyens de sécurité disposez-vous ?

X. P. : Nous disposons d’un PC sécurité, armé 24 heures sur 24, avec du personnel de télésurveillance et des agents SSIAP*. Lors des grands événements, nous activons par ailleurs un PC manifestation situé en hauteur, où prennent place à nos côtés les forces de l’ordre, de sécurité incendie et de santé. Nous sous-traitons la sécurité opérationnelle à plusieurs prestataires, de façon à pouvoir mobiliser 1 000 stadiers et une cinquantaine d’agents SSIAP.

Comment sont organisées les missions de sécurité ?

X. P. : Avant chaque grand événement, nous nous préparons au pire, en organisant des exercices avec la préfecture et les différents acteurs publics qui nous accompagnent. Ceci fonctionne parfaitement bien. La seule expérience vraiment difficile que nous ayons connue remonte au match de Ligue Europa entre l'OL et le Besiktas Istanbul, en 2017. Nous n’avions eu aucun blessé grave à déplorer, en dépit d’une rencontre très complexe à gérer.

Le gouvernement vient de confirmer l’expérimentation des fumigènes dans les enceintes sportives non couvertes. Quel est votre sentiment sur ce dispositif ?

X. P. : Le décret publié en mars dernier prolonge les expérimentations mises en place depuis 2019. Celles-ci sont encadrées par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. L’OL a été parmi les premiers clubs à se lancer. J’y suis très favorable car je considère qu’un fumigène peut contribuer à l’ambiance festive d’un match, sous réserve qu’il soit utilisé correctement. Les télévisions utilisent souvent des images de fumigènes pour montrer une ambiance de fête.

Quelles sont les limites de l’exercice ?

X. P. : Comme beaucoup de gens, il m’est arrivé de voir des fusées de feux d’artifice du 14 juillet partir dans la foule, parce que ceux qui les lançaient n’étaient pas compétents. Pour les fumigènes dans les stades, c’est pareil. C’est quand les supporters se cachent ou ne savent pas qu’il faut les utiliser bras tendu, que les fumigènes deviennent un danger. Je préfère donc parler en amont avec les groupes de supporters pour que tout se passe bien, comme à l’arrivée des courses de bateaux.

Comment se préparent les expérimentations ?

X. P. : Les fumigènes sont interdits dans les stades et font l’objet de sanctions très sévères. Pour déroger à la loi, il faut suivre une procédure très encadrée, en déposant un dossier pour obtenir l’accord de la préfecture, de la direction départementale de la sécurité publique, du parquet et de la ligue de football professionnelle. Nous l’avons fait récemment pour le match contre l’OM, le 23 avril, que nous avons hélas perdu. Nous avions préparé la rencontre avec un groupe de 6 000 supporters qui ont allumé 50 fumigènes. Tout s’est très bien passé et tout le monde était évidemment très content.

Quel a été l’impact sur le dispositif de sécurité ?

X. P. : La mission des agents de sécurité s’est trouvée simplifiée. Au lieu de découvrir des fumigènes illégaux à la dernière seconde, ils ont su avant le match où et quand les fumigènes seraient utilisés. Nous avons averti les pompiers et renforcé la zone avec des agents SSIAP munis d’extincteurs.

Quel est votre souhait pour la suite ?

X. P. : J’espère que cette phase d’expérimentation ne sera qu’une étape. On ne peut pas se satisfaire d’avoir à déposer des dossiers administratifs aussi lourds. Je milite pour une évolution de la loi, afin que soient définitivement autorisés les fumigènes dans les stades. Tout est question de confiance du propriétaire du lieu et des responsables de la sécurité à l’égard des supporters. Et vice-versa.

* Service de sécurité incendie et d'assistance à personnes