« La sécurité privée est en train de monter en gamme »

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Le préfet David Clavière a été nommé directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) en septembre 2022. Il fait le point sur la réforme de cet établissement et la préparation de la profession à la Coupe du monde de Rugby, organisée en France en septembre 2023, ainsi qu’aux Jeux Olympiques qui se tiendront à Paris l’été 2024.

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La sécurité privée est en train de monter en gamme

Quels sont les objectifs de votre mandat à la direction du CNAPS ?

David Clavière : Ma première mission est de consolider l’application de la réforme du CNAPS, intervenue en 2022, et de garantir l’efficacité de l’établissement, à la suite de mon prédécesseur, le préfet Cyrille Maillet.

Qu’est-ce que la réforme a changé ?

D. C. : La réforme de l’établissement a marqué une rupture. Auparavant, le directeur n’était pas en charge de la gestion pleine et entière de l’établissement. Les décisions d’accords ou de refus d’autorisations ainsi que les sanctions liées au pouvoir disciplinaire de l’établissement étaient prises par des commissions locales. La réforme a renforcé les pouvoirs du directeur, qui est désormais seul compétent en matière de délivrance des titres accordés par le CNAPS. C’est le directeur qui définit les critères d’entrée dans la profession et se retrouve désormais pleinement responsable de l’efficacité de son action.

Quel est le rôle fondamental du CNAPS ?

D. C. : Le CNAPS est un filtre à l’entrée de la profession de sécurité privée. Il a pour mission de garantir l’aptitude professionnelle et la moralité des personnes recrutées. Il vérifie que les futures recrues ne présentent aucun risque pour l’ordre public, sachant qu’elles pourront être amenées, dans l’exercice de leur métier, à restreindre la liberté d’aller et venir ou d’effectuer des fouilles ou palpations des personnes.

La Coupe du monde de rugby et les Jeux Olympiques de Paris exerce-t-ils une pression sur votre action ?

D. C. : Si le mode de fonctionnement du CNAPS a changé, c’est précisément dans la perspective de ces deux grandes échéances. Il fallait adopter une doctrine homogène sur tout le territoire et être plus rapide dans la délivrance des autorisations et agréments. Aujourd’hui, nos décisions sont prises tous les jours, au fil de l’eau, et les délais d’instruction se sont nettement améliorés. L’examen d’un dossier complexe prend moins d’un mois, contre plus de quarante jours auparavant. Les dossiers les plus simples, c’est-à-dire ceux des candidats inconnus des services de police, sont instruits en quatre jours.

Dans les faits, comment abordez-vous ces deux événements sportifs ?

D. C. : Le CNAPS agit aux côtés de Pôle Emploi et des rectorats, sur les épaules desquels repose tout le travail de sourcing de nouveaux viviers et du recrutement. Le CNAPS est un maillon indispensable de la chaîne qui permet de former et de trouver un emploi à un candidat souhaitant devenir agent de sécurité privée. Au cours des derniers mois, nous avons ainsi contacté, par email, 220 000 personnes détentrices de la carte professionnelle d’agent de sécurité qui, pour certaines, se sont éloignées du secteur. Ces dernières représentent un gisement significatif, sachant que la sécurité privée emploie actuellement moins de 180 000 salariés. Nous participons par ailleurs au travail de mobilisation des demandeurs d’emploi et des étudiants aux côtés de nos partenaires.

En 2022, le nombre de cartes professionnelles et d’autorisations préalables délivrées par le CNAPS a chuté de 28 %. Pourquoi ?

D. C. : Il y a des raisons conjoncturelles à cela. Après la pandémie de Covid-19, la sécurité privée a connu une désaffection, comme de nombreux autres secteurs dont l’activité avait fortement ralenti du fait de la crise. Par ailleurs, dans la perspective des grands événements sportifs à venir, le législateur a souhaité renforcer les conditions d’entrée dans la profession pour des motifs de sécurité, ce qui a conduit à réduire une partie du vivier des agents potentiels. Il y a aussi des raisons structurelles.

Le marché du travail est très tendu et des métiers concurrents recrutent - tels que la restauration ou le bâtiment - à un niveau de salaire équivalent.

On observe toutefois que l’ensemble des actions entreprises commencent à porter leurs fruits puisque la dynamique s’est inversée il y a six mois et les entrées en formation de sécurité privée sont de nouveau à la hausse.

Lors de votre prise de fonction, vous avez dit vouloir faire évoluer la philosophie du CNAPS. Qu’avez-vous voulu dire ?

D. C. : Je souhaite insuffler à l’établissement la culture du service, en orientant plus encore ses actions vers l’usager. Nous devons aller au-devant des besoins, faciliter les démarches administratives, accompagner l’entrée en formation… Pour reprendre le vocabulaire de l’entreprise, nous devons être davantage « orienté client ». Il faut savoir que sur 130 000 demandes d’agrément adressées chaque année au CNAPS, 40 % sont incomplètes, par méconnaissance ou oubli de certains documents. Le CNAPS doit pouvoir rattraper ces dossiers et permettre aux candidats qui le peuvent d’entrer dans la profession.

Quelles sont les dernières nouveautés réglementaires ?

D. C. : Une nouvelle formation a été mise en place début 2023, à destination des gens n’ayant pas forcément l’intention d’exercer ce métier toute leur vie mais ayant le désir de participer à la Coupe du monde de rugby ou aux J.O. Elle permet d’obtenir, en trois semaines, une qualification pour devenir agent de surveillance de grands événements. Les candidats sont payés pendant la formation et pendant les événements. C’est une opportunité pour eux d’acquérir une expérience, un emploi, et de participer utilement à ces grands rendez-vous internationaux, au premier chef les J.O.

En quoi le métier d’agent de sécurité est-il en train de changer ?

D. C. : La demande de sécurité s’accroît chez nos concitoyens et depuis les attentats de 2015, la sécurité privée travaille de plus en plus avec les forces de sécurité intérieure.

Cela suppose une montée en compétence et un rapprochement du secteur privé des standards des forces de sécurité intérieures. C’est une condition sine qua non pour que le « continuum de sécurité » fonctionne de manière satisfaisante.

Encore faut-il rendre ce métier attractif…

D. C. : La sécurité privée a longtemps souffert d’une mauvaise image mais aujourd’hui, elle offre de véritables perspectives de carrière et élargit le métier d’agent à de nouveaux domaines plus techniques, comme la télésurveillance, ou récemment, la détection d’explosifs à l’aide d’un chien. Le secteur gagne également en fiabilité. Une nouvelle réglementation va venir encadrer les activités de formation en sécurité privée. C’est en effet un secteur clef pour continuer à favoriser la fiabilité du secteur. Ainsi une ordonnance impose des conditions de moralité aux directeurs des centres de formation dédiés aux métiers de la sécurité, ainsi qu’aux formateurs qui y interviennent. Cette nouvelle réglementation enrichit et renforce le rôle du CNAPS en tant que régulateur du secteur.

Les professionnels de la sécurité privée sont-ils partie prenante de cette évolution ?

D. C. : La réforme du CNAPS a établi une commission d’expertise, au sein de laquelle se retrouvent les représentants de toute la profession. Cette enceinte permet de travailler de manière consensuelle sur des sujets concrets, comme par exemple l’instauration de référentiels de contrôle partagés par secteur (surveillance humaine, télésurveillance, transports de fonds, etc.)

Un an après son entrée en vigueur, on peut dire que la réforme est une réussite.