« Les dispositifs de sécurité des J.O. vont avoir besoin de garde-fous »

Député du Nord (Nupes), Roger Vicot a été aux avant-postes du débat parlementaire sur la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il décrypte les avancées de ce texte et les questions qu’il laisse encore en suspens.

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Les dispositifs de sécurité des J.O. vont avoir besoin de garde-fous

Comment va être organisé la sécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 avec la pénurie d’agents de sécurité annoncée ?

Roger Vicot : Nous souhaitons tous que les Jeux Olympiques se déroulent de la manière la plus sereine possible. Cet événement exceptionnel nécessite des dispositions exceptionnelles. Pour autant, il y a une très forte inquiétude autour des moyens humains mobilisés. Il manque, on le sait, 20 000 agents de sécurité privée pour répondre aux besoins. Le gouvernement a anticipé la question en annonçant que certaines unités de l’armée viendraient répondre à ce problème d’effectifs. Mais la situation est tendue, d’autant que les syndicats de police sont vent debout contre le ministre de l’Intérieur, depuis que celui-ci a annoncé que tous les congés d’été seraient refusés aux policiers l’été prochain.

N’est-ce pas toujours le cas quand un pays organise les J.O. ?

R. V. : Ceux de Paris sont spécifiques, car la cérémonie d’ouverture sera très atypique. Au lieu de se dérouler dans un stade, comme c’est le cas habituellement, elle prendra la forme d’un défilé de 7 kilomètres sur la Seine, avec plus de 300 000 spectateurs massés sur les rives. Les enjeux de sécurité seront donc très particuliers.

Une nouvelle loi relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est entrée en vigueur en mai dernier, venant compléter une première loi votée en 2018. Qu’apporte-t-elle de plus ?

R. V. : La principale innovation porte sur le déploiement de la vidéosurveillance intelligente. Cette technologie utilisant l’intelligence artificielle vise à identifier un certain nombre de comportements prédéterminés. Le gouvernement avait précisé que les conditions d’utilisation de ces dispositifs feront l’objet de décrets d’application : un décret publié le 28 août 2023 limitant à huit le nombre d’anormalités que les caméras dites « intelligentes » auront le droit de repérer.

Parmi les autres innovations, la loi de mai 2023 autorise l’emploi de scanners corporels. Comment cela fonctionne-t-il ?

R. V. : Ces appareils à ondes millimétriques ressemblent un peu aux portiques que l’on trouve dans les aéroports. Mais personne ne sait, pour le moment, quelle forme ils prendront précisément. Quand on effectue une recherche sur Google, on voit qu’il en existe de toutes sortes. Certains montrent des silhouettes sans aucun détail, ne faisant apparaître que les armes éventuellement portées par l’individu contrôlé. D’autres, en revanche, déshabillent complètement la personne contrôlée. Le gouvernement assure qu’il sera possible de refuser de s’y soumettre, en optant pour une palpation corporelle. La loi prévoit de généraliser ces scanners, après les Jeux Olympiques, à toutes les manifestations locales de plus de trois cents personnes.

S’agissant de l’élargissement du champ de la vidéo protection sur les réseaux RATP et SNCF, que faut-il en penser ?

R. V. : Ce sujet est beaucoup plus classique. La vidéo protection existe déjà un peu partout. De même, la nouvelle loi centralise la totalité des questions de sécurité des J.O. dans les services du préfet de police de Paris. Cela est plus traditionnel pour ce genre de manifestation.

Il est également question d’étendre le champ d’action du criblage. Qu’entend-on par-là ?

R. V. : Le criblage est une méthode de détection automatisée des comportements humains dits « déviants ». Elle comporte un grand risque de discrimination, comme cela est arrivé dans plusieurs pays où elle est déjà utilisée, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie… Ce dispositif peut qualifier de suspecte une personne qui accélère le pas dans la rue, ou une autre qui s’arrête trop longtemps devant une vitrine. Il ne s’agit pas de tomber dans la paranoïa, mais il est notoire que certains systèmes de ce type reconnaissent plus facilement les gens de couleur, ce qui pose un vrai problème. Le criblage est plus intéressant quand il vise à surveiller des foules. Il peut repérer quelqu’un qui remonte à contre-courant, des mouvements de foule inhabituels, des chutes, etc. L’outil n’est donc pas complètement vicié, mais il a clairement besoin de garde-fous, comme l’ensemble du dispositif législatif.