« La réforme du CNAPS, un projet équilibré et collégial  »

Publié le Modifié le

Ancien directeur de la police générale, le préfet Cyrille Maillet dirige depuis 2018 le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur.

Temps de lecture : 5 minutes (en moyenne)

Réforme du CNAPS

La réforme du CNAPS est en marche. Pourquoi fallait-il modifier son fonctionnement ? 

Après dix ans d’existence, le CNAPS était arrivé au bout de son mode de fonctionnement initial. Plusieurs rapports avaient été publiés sur ses conditions d’exercice et sur les relations qu’il établit entre la sécurité publique et la sécurité privée. Parmi eux, un rapport parlementaire sur la sécurité globale a fait des propositions concrètes dès 2018. Il a abouti à une proposition de loi, qui a été votée et promulguée le 25 mai 2021, texte dans lequel un article renvoyait la réforme du CNAPS à une ordonnance qui a finalement été publiée le 31 mars dernier. Entre temps, la crise du Covid-19 a également été révélatrice de plusieurs éléments problématiques sur la continuité de notre action, confirmant que le temps d’une réforme était arrivé.

 

Concrètement, quels étaient les objectifs poursuivis ?

Le but de la proposition de loi, puis de l’ordonnance du ministère de l’Intérieur, était de revoir la gouvernance du CNAPS, la manière dont les décisions sont rendues, et les modalités d’exercice de la sécurité privée en France. Il s’agissait d’améliorer le système par le biais d’une simplification, d’une uniformisation des décisions prises sur le territoire national, et d’un alignement sur le droit commun. En fait, l’idée était que le CNAPS devienne un établissement public administratif comme les autres. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent.

 

Quel est le point saillant de l’ordonnance du 31 mars ?

Les missions du CNAPS restent les mêmes : assurer la police administrative, l’activité disciplinaire et le conseil aux opérateurs de sécurité. La principale nouveauté porte sur le conseil d’administration. Dans une logique d’équilibre, son volume a été réduit et sa composition élargie à des représentants du ministère de la Justice, de la direction du budget du ministère des Finances, et du personnel du CNAPS. L’autre changement majeur, c’est la suppression des commissions locales, les CLAC.

 

Il a été question de faire sortir les acteurs du privé de ce conseil, ce qui a déclenché une bronca. Pourquoi ?

Au départ, l’Etat a considéré qu’il lui revenait de faire fonctionner le CNAPS, puisqu’il s’agit d’un établissement public financé à 100% par les ressources de l’Etat. Le raisonnement était de dire que si les pouvoirs publics ont vocation à échanger avec les acteurs de la sécurité privée, cela ne peut avoir lieu au sein du conseil d’administration, dont le rôle est uniquement d’assurer la gestion administrative : le budget, les effectifs, les locaux, etc. Il a d’abord été proposé de créer un comité ministériel dans lequel les professionnels auraient pu travailler avec l’Etat sur leurs problématiques spécifiques. Or cette idée a été perçue comme une tentative d’éviction des entreprises de sécurité privée et le débat a pris une dimension plus politique que technique.

 

Qu’a-t-il été finalement décidé ?

L’ordonnance prévoit la présence de représentants des acteurs privés au conseil d’administration et, surtout, la constitution d’une commission d’expertise rattachée à ce conseil. C’est dans cette nouvelle enceinte que, désormais, les professionnels pourront faire entendre leur voix et élaborer des propositions pour que les services métiers du CNAPS prennent mieux en compte les réalités de terrain. De surcroît, les entreprises privées siègent à la commission de discipline qui sanctionne les professionnels pris en défaut de respect de la réglementation. En contrepartie de leur présence dans ces trois instances, les entreprises s’engagent sur le long terme à y être fortement actives.

 

Qu’est-ce qui va le plus changer dans le fonctionnement du CNAPS ?

Dans le domaine de la police administrative, la réforme apporte de la cohérence avec la disparition des CLAC. Jusqu’à présent, chacune d’entre elles avait sa propre jurisprudence et au fil du temps, pour un même fait ou une même situation, le CNAPS décidait différemment à Lille, Marseille ou Rennes. C’était incompréhensible pour les entreprises de sécurité ayant une présence nationale. Désormais, la décision est coordonnée au niveau central et incarnée par le directeur.

 

Et dans le domaine disciplinaire ?

Un jugement de Salomon a été rendu, afin de respecter la tradition de collégialité du CNAPS. Les manquements amenant à de petites sanctions - l’avertissement ou le blâme - passent sous la responsabilité directe du directeur. Les sanctions plus graves, elles, relèvent maintenant de la commission nationale de discipline, comme l’interdiction temporaire d’exercer et les sanctions financières supérieures à 5 000 euros pour les personnes morales ou les personnes physiques non salariées, supérieures à 1 000 euros pour les personnes physiques salariées.

 

Quel est le calendrier des prochains mois ?

La partie opérationnelle de la réforme est entrée en vigueur le 1er mai, la partie gouvernance sera effective à compter du 1er septembre. La réforme sera donc pleinement en place à la fin de l’année. Pour le CNAPS, c’est l’aboutissement d’une écoute réciproque et l’atteinte d’un nouvel équilibre, porteur d’une meilleure efficacité pour l’usager.