Mettre en place les conditions pour assurer un véritable continuum de sécurité
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Quel est l’objectif de la proposition de loi relative à la sécurité globale ?
Cédric Paulin : Cette loi vise, normalement, à mettre en place un continuum de sécurité, autrement dit à définir les champs d’intervention des forces de police, de la gendarmerie, des polices municipales et de la sécurité privée afin d’envisager une meilleure coopération entre elles. Toutefois, pour la sécurité privée, elle traite avant tout de son encadrement.
Sur les soixante articles, vingt-deux concernent la sécurité privée : sur quoi portent-ils plus précisément ?
C. P. : Ils relèvent principalement de la réglementation administrative. Il s’agit de renforcer le contrôle de moralité pour les agents de sécurité ou les cadres intermédiaires ou de limiter la sous-traitance, par exemple.
Que pense le GES de cette proposition de loi ?
C. P. : Nous pensons qu’elle donne une première bonne orientation pour le secteur de la sécurité, mais qu’elle ne va pas assez loin, qu’elle est mal ciblée, et qu’elle demeure insuffisante. Nous avons examiné dans le détail les vingt-deux articles du projet relatifs à la sécurité privée et nous proposons de revoir ou de retirer une partie d’entre eux.
Des articles vous semblent-ils toutefois pertinents ?
C. P. : Nous sommes d’accord avec l’article 12, qui porte sur les circonstances aggravantes en cas d’agression d’un agent de sécurité privée, sur l’article 2, concernant la suppression de l'agrément palpation, ou encore l’article 9, sur la publication des sanctions délivrées par le Conseil national des activités de sécurité privée (CNAPS).
Et quels sont les articles que vous contestez ?
C. P. : L’article 16 bis, qui interdit la validation des acquis de l’expérience (VAE) en sécurité privée, et l’article 11 bis, qui impose un agrément dirigeant pour les dirigeants d’établissements secondaires.
Le GES demande également que l’article 7, sur le recours à la sous‑traitance, soit revu…
C. P. : Nous sommes effectivement favorables à une limitation drastique de la sous-traitance parce que ce fonctionnement provoque une fuite dans la chaîne de valeur des entreprises du secteur. L’article prévu ici pour limiter la sous‑traitance prévoit deux rangs de sous‑traitance par marché et la possibilité de sous‑traiter jusqu'à 50 % du marché, ce qui est davantage que ce qui existe déjà dans les faits ! Nous demandons donc au contraire de limiter la sous‑traitance par des rangs et des taux spécifiques par segments, qu’un décret doit définir (jusqu’à un seul rang et de l’ordre d’un taux maximum de sous‑traitance de 20 % par marché dans certains cas). La loi fixe un principe, le décret en détermine l’application en tenant compte des business model, à l’exception du secteur de la télésurveillance.
Par ailleurs, et toujours dans l’objectif de renforcer la régulation économique du secteur, nous demandons l'instauration d'une garantie financière qui s’assurerait du paiement des charges et des cotisations sociales en cas de liquidation d’une entreprise. En 2020, 657 radiations d’entreprises ont été observées, contre 629 créations.
Le GES dit regretter que la proposition de loi raisonne en termes de niches et sans véritable approche globale…
C. P. : Oui, et c’est là une situation malheureusement classique : à chaque fois qu’un gouvernement entend créer un continuum de sécurité, nous observons que les mesures proposées visent en fait à renforcer le contrôle, et uniquement cela. C’est ce qui est fait ici avec l’ajout, par petites touches, d’activités comme la détection de drones ou la détection cynotechnique d’explosifs, par exemple. Le cadre législatif se contente donc de préciser le champ d'intervention des différentes forces et ne crée pas un véritable continuum qui reposerait sur des échanges d'informations ou une coopération renforcée entre les acteurs publics et privés.
Cependant, la vraie question n’est sans doute pas là : il s’agit de mettre en place une régulation correctement ciblée, économiquement viable, avec des objectifs de sécurité clairs. Comment peut-on imaginer, avec l’actuel article sur la sous‑traitance et l’absence d’article sur la garantie financière, qu’il soit raisonnable de confier un marché en matière de détection à distance de drones ou de détection cynotechnique d’explosifs à trois prestataires (50 % à l’un et le reste aux deux autres par exemple) ? C’est cela que va créer la proposition de loi dans sa rédaction actuelle.
Quelle est l’intention du GES au travers de ses propositions ?
C. P. : Notre objectif est de permettre un fonctionnement économique normal et sain de la sécurité privée. Si le ministère de l'Intérieur tient vraiment à avoir un continuum (et donc un travail conjoint et des échanges d'informations entre des acteurs publics et privés), il doit pouvoir compter sur un acteur privé moralisé, mais également capable de bien fonctionner sur un plan économique.
Quelles sont les prochaines échéances ?
C. P. : Nous avions transmis nos propositions lors du passage du projet de loi à l'Assemblée nationale. Depuis, nous les avons complétées et les échanges se poursuivent avec de nombreux acteurs (je pense aux sénateurs, aux présidents des groupes politiques, aux rapporteurs de la proposition de loi, aux ministères concernés, etc.). Par ailleurs, nous allons prochainement rencontrer le cabinet du ministre de l'Intérieur mais aussi ceux du ministre du Travail et du ministre de l'Économie pour travailler sur les mesures économiques à mettre en œuvre pour assurer une transformation du secteur.
Vous faites donc le lien entre la régulation économique du secteur et la qualité de ses interventions ?
C. P. : Absolument ! De l’avis du GES, ce n’est qu’en mettant en place les conditions qui permettront la rénovation économique du secteur que l’État se donnera les moyens d’avoir une sécurité privée d’excellence et prête à faire face aux défis qui l’attendent comme par exemple, assurer la sécurité des jeux Olympiques de Paris en 2024.